La semaine dernière, la Société canadienne du cancer a publié les conclusions de son rapport annuel, qui montre que près d’un Canadien sur deux peut s’attendre à recevoir un diagnostic de cancer au cours de sa vie.
Tous les médias se sont emparés de l’affaire, avec des titres criant : « 1 Canadien sur 2 aura un cancer », ou encore plus dramatique : « 1 Canadien sur 4 mourra d’un cancer ».
En tant que personne vivant avec un cancer du sang rare, ce titre a été difficile à lire. C’était effrayant, angoissant et sans espoir. Ils auraient aussi bien pu écrire : « Canadiens : Vous êtes foutus. »
En tant que journaliste, j’ai parcouru chaque article, regardant les chiffres, cherchant la lumière, l’espoir, le message d’émancipation. Mais tout ce que j’ai obtenu, c’est une version différente de la même chose : une liste des cancers les plus courants – prostate, poumon (le plus susceptible de vous tuer), sein et colorectal – une brève mention du cancer vraiment effrayant que personne n’a encore élucidé – le cancer du pancréas – et de brefs récits d’une poignée de survivants. Oh, et puis la conclusion unanime, la boîte à outils de la prévention : bien manger, faire de l’exercice, ne pas fumer, porter un écran solaire. Sérieusement. Nous parlons d’une personne sur deux à qui l’on diagnostiquera un cancer et d’une personne sur quatre qui en mourra, et c’est le mieux que vous puissiez faire ? Quelqu’un veut y ajouter un peu de chance ?
Dans tout autre domaine, cette statistique terrifiante aurait fait vibrer les téléphones des décideurs politiques. Imaginez que le titre dise : « Un enfant sur deux mourra sur un toboggan cet été. » Vous pouvez parier que nous nous serions réveillés le lendemain matin avec du ruban d’avertissement solidement fixé sur chaque toboggan de chaque aire de jeux.
J’étais au Princess Margaret Cancer Centre ce matin. Il n’y avait pas de ruban d’avertissement.
Les chiffres donnent à réfléchir, déclare le Dr Rob Nuttall, directeur adjoint des politiques de santé à la Société canadienne du cancer. Bien qu’il souligne que le chiffre de 1 sur 2 est une nouvelle statistique pour le Canada, résultant d’une méthodologie actualisée, il note que ce chiffre élevé est également dû en partie au vieillissement de la population.
« En 2017, près de 90 % de tous les cancers seront diagnostiqués chez les Canadiens âgés de 50 ans ou plus, et 45 % chez les plus de 70 ans », précise-t-il. « C’est un peu un retour à la réalité concernant le lourd tribut que le cancer prélève au Canada ».
Un effrayant retour à la réalité.
Et si je comprends l’intérêt des titres sombres des médias – après tout, j’utilise constamment les chiffres pour défendre les patients. Malheureusement, les risques de maladie et de mort en masse peuvent pousser les politiques. Parfois. Mais qu’est-ce que le Canadien moyen est censé faire face à des statistiques aussi désastreuses, à part se sentir vraiment effrayé et vraiment triste ? Suis-je le seul à avoir cette impression de quelque chose de trop puissant pour être surmonté ? Il semble que le fait de rapporter les probabilités de manière aussi flagrante ait créé un dialogue inquiétant sur le cancer – un dialogue qui ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir. Ou l’optimisme.
« Qui s’en soucie ? Je vais avoir un cancer de toute façon », ai-je entendu ce matin un ouvrier du bâtiment dire à ses copains en allumant une cigarette. Je voulais lui dire de regarder au-delà des gros titres. Lui faire comprendre que ses 50 % de chances de développer un cancer dépendent de tout un tas de choses, comme le type de cancer, l’efficacité du traitement, la génétique, les antécédents médicaux, les antécédents familiaux, un peu de chance et, oui, les choix de mode de vie. Que cela vaut totalement la peine d’arrêter de fumer aujourd’hui. Nous devons tous prendre les gros titres pour ce qu’ils valent : un gros titre.
« Il est si facile de sortir ces rapports de leur contexte », déclare Claire Edmonds. La psychothérapeute agréée et survivante du cancer du sein, basée à Toronto, nous rappelle qu’il n’est pas surprenant que le nombre de cancers augmente avec le vieillissement de la population. Elle invite les Canadiens à ne pas oublier l’histoire qui se cache derrière les gros titres, comme les traitements qui prolongent la vie et le diagnostic précoce.
Grâce à ses décennies de travail avec des organisations de soutien aux personnes atteintes de cancer comme Wellspring (consultez le programme The Healing Journey) et à sa propre expérience de vie, Mme Edmonds connaît très bien l’anxiété que peut susciter la pensée d’un diagnostic potentiel. Mais elle sait aussi qu’il est important de surmonter la peur et d’être proactif. « Le dépistage est efficace et, dans la plupart des cas, fiable », dit-elle. « Cela m’a sauvé la vie. Plutôt que d’avoir peur, activez-vous pour prendre soin de vous. »
M. Nuttall parle également de l’importance du dépistage, en mentionnant l’outil en ligne de la Société canadienne du cancer, It’s My Life ! de la Société canadienne du cancer, qui aide les utilisateurs à évaluer leur risque de cancer.
Il est clair que, contrairement aux titres apocalyptiques des médias, il existe encore de nombreuses raisons d’espérer. Quelques minutes passées à jeter un coup d’œil à la fiche d’information pour les médias de la Société canadienne du cancer. et la lumière jaillit, avec des détails tels que les 179 000 décès par cancer qui ont été évités depuis 1988 grâce aux efforts de prévention et de lutte contre le cancer ; le taux de survie à 5 ans au cancer est de 60 % aujourd’hui, contre 20 % dans les années 1940 ; et les décès dus aux cancers colorectal, du poumon, de la prostate et du sein diminuent grâce aux progrès des traitements.
Ouf. En quelque sorte. En tant que personne vivant avec une leucémie rare qui m’aurait tué il y a 20 ans, je suis un bénéficiaire direct de ces progrès thérapeutiques. Et si ces statistiques sont porteuses d’espoir, elles sont aussi le symbole de la lenteur avec laquelle la survie au cancer s’est améliorée. Après tout, est-ce qu’il nous a vraiment fallu 77 ans pour que le taux de survie atteigne un triste 60 % ?
« Nous avons fait d’énormes progrès pour de nombreux cancers », déclare M. Nuttall, ajoutant que le cancer est un ensemble complexe de maladies, plus de 100 en fait, pour lesquelles il n’y aura jamais de remède universel. « Aujourd’hui, 60 % des Canadiens sont en vie cinq ans après un diagnostic de cancer, mais certains cancers comme ceux de la thyroïde, de la prostate et des testicules ont des taux de survie nette à 5 ans supérieurs à 90 %. »
Si l’on considère le rapport annuel comme l’état des lieux des soins contre le cancer tel qu’il est censé l’être, les conclusions sont claires. Si nous avons fait des progrès considérables en termes de traitement dans certains domaines, dans de nombreux autres, les gens continuent de mourir. Le nombre prévu de diagnostics et de décès dus au cancer est à la fois stupéfiant et accablant.
Mais les Canadiens ne doivent pas être effrayés par l’apathie. Il est plus important que jamais de se soumettre à un dépistage régulier et de faire des choix de vie sains. Et ne laissez pas les histoires de personnes comme moi – celles qui n’ont pas d’antécédents de cancer, qui ont tout fait « bien » et qui ont quand même développé un cancer du sang – vous déprimer. Vous devez vous donner les meilleures chances de battre ces chances folles.
Pour les décideurs, ce rapport doit servir de catalyseur pour un changement de politique dans le domaine du cancer, comme nous n’en avons jamais vu. Selon M. Nuttall, la Société canadienne du cancer s’engage à faire en sorte que les données du rapport soient utilisées pour élaborer des programmes de prévention, de dépistage, de détection précoce, de traitement et de soins palliatifs et de soutien. J’espère également qu’il permettra de dispenser une formation oncologique aux médecins généralistes, de réduire les délais d’attente des spécialistes, de diminuer le prix des médicaments anticancéreux vitaux, d’améliorer l’accès aux essais cliniques et d’augmenter les ressources des entreprises de biotechnologie qui choisissent de s’attaquer aux cancers mortels considérés comme sans espoir. Et peut-être que, tout en améliorant le traitement des patients, nous pourrons également accroître notre soutien à la recherche visant à résoudre l’énigme du cancer.
Nous en dépendons tous.
Lisa Machado est une ancienne journaliste financière qui, après avoir reçu un diagnostic de leucémie rare en 2008, écrit maintenant sur l’expérience des patients et les défis de la vie avec la maladie. Elle est la fondatrice du Réseau canadien de la LMC et l’auteur du livre primé Living Well with CML : What you need to know to live your best life with Chronic Myelogenous Leukemia. Lisa a été interviewée par CTV News, Rogers Media et la CBC sur ce que signifie vivre avec une maladie chronique grave. Elle a également été citée dans un certain nombre d’articles de journaux et a écrit pour le Caregiver Network et le magazine Cure Today. Lisa rédige une chronique régulière pour le site Web montréalais CML-IQ, et un blogue pour cmlnetwork.ca. On peut joindre Lisa à l’adresse suivante lisa@cmlnetwork.ca