Le Dr Isabelle Bence-Bruckler traite la LMC depuis près de 20 ans. Au cours de cette période, elle a observé la trajectoire étonnante de la recherche sur la LMC, qui a transformé une maladie mortelle en une maladie avec laquelle les gens peuvent vivre. Mme Bence-Bruckler, hématologue à l’Hôpital d’Ottawa et professeure agrégée de médecine à l’Université d’Ottawa, partage ses réflexions sur la rémission sans traitement, la gestion des effets secondaires et l’importance du bien-être émotionnel.
Q :
Depuis combien de temps traitez-vous la LMC ?
I.B-B :
Depuis 1996
Q :
Quels sont les changements que vous avez constatés dans le traitement de la LMC ?
I.B-B :
Traitement par TKI. Nous avons mené l’essai IRIS sur notre site d’Ottawa. Lorsque j’ai commencé à exercer, nous considérions la LMC comme une maladie mortelle avec une survie médiane de quatre ans. Nous avons transplanté les patients si possible. Aujourd’hui, il est très rare de transplanter un patient atteint de LMC.
Q :
La possibilité d’arrêter les médicaments et de rester en rémission est un sujet brûlant dans la communauté de la LMC ces jours-ci. Avez-vous cette conversation avec vos patients ? Quel est le sentiment général concernant l’arrêt de leur traitement ?
I.B-B :
Oui, notre centre participe au TRAD (Treatment-free Remission Accomplished with Dasatinib). Ce n’est pas encore quelque chose qui devrait être fait en dehors d’un essai clinique. La plupart des patients ont souhaité participer à cette étude et ne sont pas gênés par les tests PCR mensuels de la première année. Cependant, certains craignent une rechute et préfèrent continuer à prendre leur médicament jusqu’à ce que nous en sachions plus sur comment et quand arrêter le traitement.
Q :
Bien que la LMC soit généralement bien prise en charge par les médicaments et que de nombreux patients ne ressentent que des effets secondaires minimes, certains sont confrontés à des effets secondaires importants qui affectent leur vie, comme la fatigue, les problèmes gastro-intestinaux et les douleurs osseuses. Quels conseils pouvez-vous donner pour y faire face ?
I.B-B :
Dites-le à votre équipe soignante. Il existe des moyens de gérer ces effets secondaires. Changer de médicament est aussi une option maintenant que nous avons le choix. Informez-vous et parlez à d’autres patients atteints de LMC. Vous devrez peut-être apprendre à adapter votre mode de vie pour tenir compte de certains effets secondaires. Il y a beaucoup de choses que l’on peut faire. En plus de prendre d’autres médicaments, vous pouvez adapter votre régime alimentaire, vos habitudes, et peut-être intégrer l’exercice ou une forme de relaxation dans votre routine. Nous sommes tous différents, et il se peut que nous devions explorer plusieurs façons de gérer certains effets secondaires. De petits changements peuvent contribuer à améliorer votre journée.
Q :
À votre avis, quel rôle joue la santé émotionnelle dans le bien-être physique ? C’est une grande ironie de la LMC : nous sommes si reconnaissants d’être en vie, mais si anxieux à l’idée que les choses tournent mal qu’il peut être difficile d’aller de l’avant. Que suggérez-vous aux patients qui se sentent ainsi ?
I.B-B :
Je pense qu’il est utile de rencontrer plus fréquemment l’équipe soignante dès le début. S’informer et rencontrer d’autres patients atteints de LMC qui ont vécu avec le diagnostic pendant de nombreuses années s’avère souvent une source de force, car ils comprennent ce que vous vivez et peuvent vous réconforter en vous disant que les choses ont tendance à bien se passer la plupart du temps. Et je pense que le temps aide, car voir que vous réussissez année après année est une preuve. Enfin, si cela a vraiment déclenché un trouble anxieux ou une dépression, il est important de demander un soutien psychologique et une aide appropriée.
Q :
Que pensez-vous des effets secondaires vasculaires que l’on observe avec certains traitements ?
I.B-B :
Nous devons prendre ce problème au sérieux, choisir judicieusement les médicaments et avoir ces discussions avec nos patients.
Q :
Prédisez ce à quoi ressemblera le traitement de la LMC dans cinq ans.
I.B-B :
Je pense que nous aurons une surveillance de pointe dans tout le Canada et un objectif de rémission sans traitement pour nos patients. Nous pourrions également nous orienter vers des thérapies combinées dès le début (ces essais sont en cours et planifiés) visant à obtenir des rémissions profondes permettant l’arrêt des médicaments.
Q :
Si vous aviez un conseil à donner aux personnes vivant avec la LMC, quel serait-il ?
I.B-B :
Apprenez à connaître votre maladie et jouez un rôle central dans vos soins. En maîtrisant la situation, vous aurez les meilleures chances de vous en sortir et de mener une vie aussi normale que possible. Parlez à votre équipe soignante de vos effets secondaires et de vos craintes éventuelles.